mardi 13 janvier 2015

Connaître le Nunavik, s’approcher du divin

Connaître le Nunavik, c’est sûrement s’approcher du divin
Voyager au-delà de la 49e parallèle ressemble à un voyage à l’intérieur de soi. Connaître le Nunavik, c’est sûrement s’approcher du divin. La beauté unique de cet univers, à première vue rébarbatif, s’harmonise avec le peuple inuit qui a su bien tirer parti de la nature rocheuse, des os, des fourrures et du cuir pour en faire, soit des outils, des objets, des vêtements et des œuvres d’art qui évoquent son univers grandiose. L’art inuit est incomparable. On entend la pierre qui parle, qui transmet la tradition, les croyances, les valeurs de ce mode de vie en changement. Quand ils disent que c’est le plus beau pays du monde, on est porté à le croire.



Les Inuit à l’image de la terre de roches
Les Inuit sont à l’image de leur terre ancestrale : ils sont résistants, tenaces, puissants, imaginatifs, tirant profit de toutes les ressources possibles sur ces côtes escarpées de la péninsule nordique. S’y rendre, c’est s’engager à suivre un cours d’anthropologie, de sociologie et même de philosophie. Pour visiter les Inuit, seules s’offrent la voie des airs ou la voie maritime. Jalonnée d’escales, les Baies d’Ungava et d’Hudson offrent également une leçon de géographie. Les voyageurs audacieux qui recherchent des aventures hors des sentiers battus peuvent se joindre à des pourvoiries pour la pêche au saumon ou à l’omble de chevalier de l’Arctique. Ils peuvent aussi observer le caribou. Ceux qui s’adonnent plutôt à la connaissance des peuples feront bien de chercher une manière d’y travailler.



Les Inuits se sont adaptés à notre monde moderne : ils ne vivent plus dans des igloos, n’ont plus de chiens pour la chasse.  Ils paient leurs impôts, un loyer tout comme nous.  Les traîneaux ont été remplacés par des motoneiges et des véhicules à trois roues pour emprunter les mêmes pistes que les traîneaux d’autrefois. Ils ont des idées bien à eux pour leur propre gouvernance.

De la pierre au papier
Les artistes talentueux du Nunavik créent des formes inédites inspirées de leur quotidien tant avec la pierre qu’avec le papier. Mon œil est invariablement attiré par les œuvres d’une grande dextérité (photo). Le travail sur l’ivoire est pratiquement impossible à trouver : les défenses de morse sont plus difficiles à obtenir et elles prennent beaucoup de temps à sécher. Les dessins, les gravures (munissez-vous de bons écouteurs pour entendre les chants de gorge) m’inspirent pour de prochaines courtepointes (photo). On y retrouve une sensibilité, une musicalité visuelle à travers l’image.



L’atelier des femmes, un monde de création
Le samedi, je me joins aux femmes du village à l’atelier des femmes. Mon but est de terminer une courtepointe en appliqué tout en liant avec elles des liens qui peuvent faciliter mes rencontres avec elles. La première chose qui me frappe, c’est qu’elle m’accepte tout  de Go, sans poser de questions. Plusieurs parlent assez bien l’anglais pour que nous puissions communiquer. Les aînées ne parlent souvent que l’inuktitut.

Mais par signes, j’apprivoise leurs gestes et mimiques. Je remarque qu’elles sont vraiment attentives à leur travail et elles sont d’une adresse remarquable. Je me sens bien moins douée qu’elles. L’une des femmes plus jeunes me montrent un projet qu’elle a débuté. Tous les points à la main sont espacés également. Pensant que cela fait des années qu’elle pratique la couture, je lui demande quel âge elle avait quand elle a appris à coudre. Elle répond que sa mère lui a enseigné à coudre juste avant sa mort il y a un an. En premier, je ne la crois pas. Des compagnes s’approchent et valident qu’elle en est à ses débuts. De gauche, je me sens malhabile.


Plusieurs sont en trains de faire des kamiks, ces belles bottes en peau de béluga et de phoque. Elles prennent le temps d’examiner les peaux, les vérifiant pour des défauts qui nuiraient à l’esthétique des bottes. Je prends des photos.
ANECDOTES

La concordance des événements dans le ciel du Nunavik
Lors de mes voyages, j’ai remarqué que la concordance des événements est toujours à l’œuvre. J’avais été introduite à la fille d’une femme aînée inuit que j’aimais beaucoup. À une occasion spéciale, j’avais participé à la fête de cette aînée et j’avais entendu parler de la plus jeune sœur de cette famille, laquelle demeurait dans ma ville au Sud. Je côtoyais sa parenté sans la connaître,  quoique j’aie entendu parler de son époux québécois.

Or, je suis sur l’avion pour mon retour au village inuit et assis près de moi, un jeune d’environ 12 ans. Je pense qu’il voyage seul, je lui demande s’il va rejoindre sa famille et il me répond que sa mère est assise devant nous.  Je me lève pour la voir et me présente. C’est une occasion de nouer des liens avec une personne de mon milieu inuit. Quand je me présente, je lui dis que je connais sa sœur. C'est celle dont elle m’a déjà parlé. Wow! Drôle de coïncidence! Alors, nous prévoyons des rencontres amicales dans son village natal et nous nous revoyons un an plus tard, à mon retour au Sud. Elle m’encourage vivement pour un projet qui me tient à cœur pour les enfants et les mères dans les villages nordiques.

J’ai rencontré sa grand-mère en allant au marché d’alimentation. Quand nous nous voyons, nous nous sourions. Quand je me joins à l’atelier des femmes, elle me fait sentir la bienvenue. Je l’invite à venir prendre le thé chez moi avec une de ses filles. Celle-ci est l’interprète du jour.

Au printemps, je suis en train de me choisir une paire de souliers de course à la Coop. Annie, mon amie aînée me propose son aide pour les choisir. Nous rions et manifestement, c’est la fête avec elle. C’est une amie même si nous n'échangeons aucune parole. Le langage ne compte pas.

Être bercée sur mon divan
Le samedi, je regarde les émissions d’APTN. Assise sur mon divan, je regarde dehors. Le vent s’en donne à cœur joie. Mon divan devient mon hamac car la maison sur pilotis dans laquelle j’habite bouge légèrement. C’est un bercement auquel je prends goût et n’ai jamais retrouvé ailleurs.

Les soupers amicaux pour briser la glace
Je fus accueillie par l’époux de la grande amie de ma fille. Après quelques semaines au Nord, je fus invitée à un souper qui se tenait chez un infirmier. Il est un vieil habitué au village et contribue à l’intégration des nouveaux venus. Ses soupers sont notoires avec une table abondante; son décor d’artiste est fascinant. Ses invités proviennent de tous les univers possibles.

En guise de bienvenu, cette invitation fait du bien autant au cœur qu’à l’estomac.  Je découvrirai que la vie sociale au Nord est plus active que celle du Sud.

Les surprises abondent. Les coutumes différentes  m'encouragent à prendre des notes.  Je veux connaître  les Inuits, je veux saisir leur mentalité. À la fin de la soirée, la jeune préposée inuit demande à manger les yeux de l’omble de l’Arctique, ce qui lui  est gentiment accordé.

Les ours et les loups ont peu à manger à la saison d’hiver
L’hiver, s’habiller pour marcher dans la toundra constitue une épreuve et relève d’un exploit. Avec mes nombreuses couches de vêtements, je me sens comme une cosmonaute dans mon épais manteau en duvet, mes pantalons de neige et mes bottes d’hiver de -40 degré. Il faut aussi prévoir un compagnon car il n’est pas sécuritaire de marcher seule. Par chance une amie m’a prévenu. Les ours et les loups ont peu à manger à la saison d’hiver. Les conditions météo changent rapidement. Vivre mon « trip inuit » en appelle de prudence.

Quand j'arrive à Kuujjuarapik au début février et je ne connais personne. De mon logis, je pouvais voir au loin un immense inukshuk. Pendant mes premiers jours, j’ai fait appel à mon bon sens, mais éventuellement, l'ennui me pousse à risquer la marche vers l’inukshuk. Ce n’est qu’en arrivant devant une goélette presque entièrement enchâssée dans la neige poudreuse que je me suis rappelée le conseil de mon amie. Aussi bien dire que j’ai marché vite pour retourner au village.

L’arrivée du bateau ravitailleur au printemps
Une maison du village a brûlée. À part les armoires et les fenêtres, elle est récupérable. Mais il faudra attendre l’arrivée du bateau ravitailleur au printemps pour la livraison des fenêtres et d’autres matériaux de construction. Dès qu’il s’engage dans le fjord, les villageois s’animent, sachant que prochainement, les tablettes de la Northern ou de la Coop regorgeront de nouveaux produits, dont parfois des coquilles de maisons, des motos, des VTT, des motoneiges et les pièces de motoneiges. La maison sera montée sur pilotés et vissée au sol sur des roches plates.

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